Sensibilité et affection, une "nunucherie" ?

La sensibilité et l'affection ont souvent été dénigrées, méprisées. Dans un monde difficile, de telles caractéristiques paraissaient inapropriées et dérisoires à nombre d'individus pétris de certitudes. "Nunucherie" pour certains critiques politiques. Vulnérabilité, faiblesse inacceptable, pour les militaires et autres agressifs.

L'hypersensibilité affective est pourtant une acuité de perception que l'on retrouve chez la plupart des enfants surdoués. Cette finesse de perception peut donner la force d'une détermination inflexible pour changer la réalité. Elle est si loin d'une faiblesse, qu'elle seule peut donner la force de réussir l'impossible.

Car c'est cela, qui avait bien contribué à retourner l'opinion publique américaine contre la guerre du Vietnam. "Silent Night-Seven O'clock news" La merveille d'une chanson de Noël, mise en perspective avec la brutalité des infos de 19:00 par Simon & Garfunkel au sommet de leur art, avait parlé au coeur de dizaines de millions d'Américains.

Le fragile journal intime d'une adolescente de 15 ans, Anne Franck, cachée dans son galetas pendant que les nazis persécutaient les siens, a parfaitement contribué à condamner l'infâmie sordide du nazisme. Elle avait notamment écrit: "Il est très étonnant que je n'aie pas encore abandonné tous mes espoirs, car ils paraissent absurdes et irréalisables. Pourtant je m'y accroche, malgré tout, car je continue à croire en la bonté innée de l'homme. Il m'est absolument impossible de tout construire sur une base de mort, de misère et de confusion" Elle est morte dans le camp d'extermination d'Auschwitz. La dignité de l'Allemagne, aussi. Les chances de succès du nazisme, aussi. A tout jamais.

Dans l'URSS communiste, le roman de Boris Pasternak, le Dr Jivago, avec sa profondeur amoureuse (une nunucherie, pour certains ? ) a été un élément-clé pour retourner l'opinion mondiale contre l'ignominie soviétique à l'encontre de toute opposition. Ni la campagne de dénigrement médiatique à grande échelle contre la belle Lara, ni les intrigues sordides du KGB, ni même l'emprisonnement de Lara au Goulag sibérien, n'avaient pu empêcher le succès mondial du roman de Pasternak. Une fois que le film du Dr Jivago fit le tour du monde, le compte à rebours pour la Nomenklatura soviétique avait irréversiblement commencé.